« Ce qui compte, c’est la courtoisie »
« Ce qui compte, c’est la courtoisie »
A Melun, la blonde Luce Demay s’impatiente. Alain et Max se libèrent bien après chaque morceau, mais elle n’est jamais assez rapide. L’orchestre annonce une danse en ligne alors, « comme il n’y a pas de danseur... »,elle s’avance seule sur la piste. Le madison et parfois le charleston permettent aux dames de se déhancher sans attendre inlassablement qu’on les invite. Et aux taxi-danseurs de souffler, entre deux valses. Alain a 55 ans et travaille dans l’aéronautique. Il a démarré comme taxi-boy à l’âge de 16 ans, à la Coupole, à Montparnasse. « Il fallait que paye mes études. J’ai toujours aimé l’ambiance des thés dansants. »Max, costume sombre sur chemise fuchsia, s’y est mis, lui, après avoir tiré un trait sur une carrière de footballeur. « La danse, c’est ce qui s’en rapprochait le plus »,dit-il en mimant gracieusement un passement de jambes. Dans la vie de tous les jours, il est cariste. Pour lui, taxi-danseur est « un travail social » :« Ces femmes ont parfois des problèmes de santé, ou n’ont pas trop le moral. On sent que danser leur redonne goût à la vie. »Suzanne le garantit : « Quand je danse, je n’ai plus mal nulle part. »
Pour être un bon taxi-danseur, donc, il ne suffit pas de savoir danser. Patrice Reinhardt, retraité qui exerce depuis trois ans, l’a appris sur le tas : « Le niveau de danse est secondaire. Ce qui compte, c’est est surtout la courtoisie et la bienveillance. »Avant d’entrer sur la piste du Moulin Fidel, au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), il prend soin de bien se brosser les dents. « Je suis fumeur », justifie-t-il. Pour Philippe Couppey, du club Et bien dansez maintenant, « être taxi-boy n’est pas forcément une partie de plaisir : il faut être résistant physiquement, mais aussi pédago, s’adapter au niveau de chacune, à ses douleurs parfois ». Et physionomiste avec ça, pour ne pas danser deux fois avec la même personne.
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